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Latest revision as of 15:13, 24 October 2011

TOITS DE PARIS ET TOUR EIFFEL

Tandis qu'un homme travaille sur son ordinateur dans un bureau cossu de maison bourgeoise, quelqu'un, le souffle rauque, se faufile dans le parc de la propriété et l'épie par la fenêtre. Sur le bureau, au milieu des livres et des notes que l'homme compulse de temps à autre, trône un magazine « Inside Look » dont Largo fait la une ravageuse, « Largo Winch, Playboy at the Control ».

Bureau directorial du Siège social du groupe W, Paris.

Largo, en liaison téléphonique avec le Bunker, lit à l'intention de ses amis outre-atlantique l'article qui lui est consacré. L'exaspération le fait rester debout, tandis qu'à l'autre bout de la ligne, Joy, confortablement installée, est absorbée dans la lecture de ce même article qui semble la passionner et que Simon écoute son ami s'emporter en déambulant d'un air amusé.

L : Et dans son article, le journaliste nous dit, je cite : « Peut-être Monsieur Winch vient-il de prendre ses responsabilités plus au sérieux, mais le fait est que les entreprises du Groupe W possèdent maintenant un nouveau président dont la seule référence connue est qu'il est le fils de Nério Winch. Un jeune homme plus accoutumé aux bars qu'aux salles de conseil d'administration. »

Arrivé au bout du torchon, Largo balance la revue sur le bureau, écœuré, tandis que Simon se penche vers Joy pour parler dans le micro.

Si : Il faut reconnaître que cette dernière phrase n'est pas fausse. J'ai fait le compte de tous les bars qu'on a fréquentés et on doit arriver à 685 alors que les salles de conseil, euh, cinq six…

Largo se gratte la nuque, sceptique et un peu gêné.

L : On a fait 685 bars ?!
Si : Oui.

Cette fois, Joy lève le nez de sa revue pour regarder Simon, incrédule.

J : Alors tu t'amuses à faire le compte des bars où vous êtes allés ?!
Si : J'adore les statistiques !

Joy secoue la tête, prenant Simon pour un illuminé.

L : Ce type prétend être un journaliste honnête, sauf qu'en réalité il n'est jamais venu m'interviewer.

Largo se laisse tomber dans un fauteuil accueillant, il ne peut empêcher l'énervement de filtrer sous son ton léger, tandis que Joy reste pragmatique…

J : En tout cas, il a dû parler avec un membre du Groupe W parce qu'il a des informations que seul quelqu'un de l'intérieur peut connaître.

Simon, lui, s'amuse vraiment.

Si : Si je peux me permettre, la photo qui fait la une du magazine est particulièrement nulle. On dirait que tu es assis sur une planche à clous !

Et comme d'habitude, il parvient à dérider son ami. Largo retrouve son sourire et sa décontraction légendaire.

L : Ah très sympa. Allez, je me sauve.

Fier de sa victoire, Simon cède cette fois sans remords à l'hilarité qu'il essayait de contenir jusque là.

Si : Garde quand même le moral !

La communication coupée, Largo se dirige vers la porte du bureau, mais Sullivan arrive, suivi d'un homme d'église.

Su : Largo, je voudrais vous présenter le Révérend Georges Travers, de World Rescue International.

Sa bonne humeur réapparue, Largo accueille le nouveau venu d'une grande poignée de main et une entrevue chaleureuse s'amorce.

L : Ravi de vous rencontrer enfin, Révérend. Je trouve que votre organisation fait vraiment un travail fantastique.
Rév : Nous devons énormément à votre aide, Monsieur Winch. Et votre offre d'acheminer nos caisses gratuitement nous économise des millions.
Su : Nous tirons tous deux des bénéfices de cette association, Révérend. Nous faisons pas mal d'affaires en Afrique.
Rév : Nous remercions tout particulièrement Éric Daniel.

Largo jette un coup d'œil à Sullivan qui saisit immédiatement sa question muette…

Su : C'est lui qui dirige le service des expéditions des sociétés de Paris.

Pendant ce temps, dans le luxueux bureau de sa somptueuse demeure, l'homme sauvegarde son texte sur une disquette, puis il décroche le téléphone et compose un numéro tandis qu'au dehors une main gantée tourne précautionneusement la poignée de la porte d'entrée.

Le portable de Largo sonne, interrompant la conversation de celui-ci avec le révérend.

Rév : Je ne vous remercierai jamais assez Monsieur Winch.

Largo s'écarte un peu pour répondre…

L : Ah excusez-moi… Largo.
Luc : Monsieur Winch, Luc Guimond.

Immédiatement, toute la rage de Largo refait surface, il devient sec et agressif tandis que son interlocuteur esquive calmement ses attaques et arrive à placer tranquillement son message.

L : Comment avez-vous eu ce numéro ?
Luc : Aucune importance. Il faut qu'on se voie.
L : Dites, vous pourriez peut-être vérifier ce que vous avancez quand vous écrivez !
Luc : Je suis navré que mon article ait pu vous mettre en colère Monsieur Winch, mais pour l'instant il faudrait que nous parlions de quelque chose de plus important. Certaines informations sont parvenues jusqu'à moi qui peuvent être potentiellement fortement préjudiciables au Groupe W et il est dans votre intérêt qu'on puisse se voir rapidement.

Malgré sa colère, Largo écoute attentivement.

L : Quel genre d'informations ?
Luc : Je ne les donnerai qu'à vous en personne.
L : Où ça ?… Très bien, j'y serai.

Tout en parlant, Largo a pris un stylo et noté l'adresse. Il raccroche et empoche le papier en répondant brièvement à Sullivan, ne se radoucissant qu'un instant pour saluer le révérend avant de filer à son mystérieux rendez-vous.

Su : Qui était-ce ?
L : Luc Guimond, cet espèce d'abruti qui a écrit cet article stupide. Il veut qu'on se voie, et je vais essayer d'en profiter pour lui expliquer ce que je pense de lui.
Su : Ah, Largo…
L : Pardonnez-moi Révérend, ravi de vous avoir rencontré.

Il sort d'un pas ferme et déterminé ne présageant rien de bon pour ce fichu journaliste, à la grande inquiétude de Sullivan qui ne peut que soupirer et implorer…

Su : Hm essayez surtout de ne pas envenimer les choses, hein !

Tandis que Largo fonce en voiture [BMW immatriculée 729 BZL 92] à son rendez-vous, le journaliste poursuit son travail. Depuis le début Guimond semble sur ses gardes et soudain un bruit dans la maison lui confirme son pressentiment.

Luc : Il y a quelqu'un ?

Il se dépêche de sauvegarder son fichier et de dissimuler la disquette sous le plateau du bureau avant de décrocher fébrilement le téléphone.

Luc : Police ? Venez vite, j'ai besoin d'aide !

Il n'a pas le temps d'en dire davantage. Une main gantée l'abat d'un coup de revolver au moment où la BMW de Largo franchit les grilles de la vaste propriété.

Derrière la fenêtre du bureau, le meurtrier en combinaison et cagoule noires s'active tandis que la voiture remonte l'allée centrale.

Largo se gare devant le perron, à côté du 4x4 chic du maître des lieux. Après un coup d'œil au splendide domaine, il franchit la volée de marches deux à deux et a la surprise de trouver la porte entrouverte. Après une brève hésitation, il entre dans le hall.

L : Monsieur Guimond ?

Comme il ne reçoit pas de réponse, il jette un œil par la première porte entrouverte qu'il remarque sur sa gauche et découvre un chaos indescriptible.

L : Hé oh Monsieur Guimond ?

Il entre dans le bureau où les livres et les dossiers jonchent le sol, et il ne tarde pas à voir le journaliste étendu par terre.

L : Oh bon sang… Monsieur Guimond ?

Largo se précipite vers lui et s'accroupit pour lui palper la carotide, sans grand espoir, l'homme ayant un regard des plus vitreux… Mais il reçoit un grand coup sur le crâne et s'effondre inconscient à côté du mort.

GÉNÉRIQUE

Toujours à terre, masqué par un fauteuil, Largo émerge douloureusement de son K.-O. pendant que son agresseur finit nerveusement de passer un coup de téléphone, le dos tourné.

X : Oui ! J'ai tout effacé… Non ! J'ai cherché partout, mais il a sûrement dû avoir le temps de la planquer. Mais oui, je vous ai dit que je la trouverais ! Bon, les flics arrivent, je dois vous laisser !

La sirène se rapproche. L'inconnu en noir se dirige vers la fenêtre tandis que la voiture de police remonte à son tour l'allée centrale. Largo se relève péniblement mais le tueur perçoit ses mouvements dans son dos et le canarde pour couvrir sa fuite. Largo parvient à se mettre à l'abri sans dommage tandis que le tueur fonce vers l'entrée… pour découvrir la voie coupée par deux policiers qui sortent à peine de voiture. Cédant à la panique, il les mitraille et atteint celui qui était au volant. Puis il fait demi-tour… alors que dehors, le policier indemne tire son collègue blessé à l'abri derrière la portière.

Le tueur se retrouve face à Largo qui vient le cueillir au passage dans le couloir d'une bonne manchette avant de lui décocher un magistral crochet du droit. Aussitôt, Largo profite de l'étourdissement de son adversaire pour lui arracher sa cagoule, puis il jette un coup d'œil dehors pour voir où en est la police locale. Profitant de cet instant d'inattention, le tueur à terre le fait basculer par-dessus lui et s'enfuit par l'arrière. Largo se relève et, voyant l'avance du fuyard, il ramasse l'arme que celui-ci a perdue dans la bagarre. Malheureusement, il a à peine l'arme en main que le policier indemne fait irruption, arme au poing, rage et peur au ventre, bien décidé à ne pas subir le même sort que son collègue. Tout s'enchaîne très vite, les sommations d'usage et la dénégation de Largo que sous l'effet du stress le policier n'entend même pas, totalement obnubilé par l'arme que tient Largo…

Po : On ne bouge plus !
L : Arrêtez ! C'est pas moi qui ai tiré !

Le policier fait feu et Largo touché au flanc droit ne demande pas son reste. Surmontant le choc qui l'a fait tituber et qui lui a fait lâcher l'arme, il fonce comme il peut vers la fenêtre du bureau et saute par-dessus la balustrade avant que le policier ne parvienne à ajuster son tir. Il atterrit lourdement dans le parterre, un étage plus bas. Comprimant sa blessure de la main droite, il fuit aussi vite que son état le lui permet sous les tirs du policier frustré qui n'ose pas sauter à sa suite.

Largo atteint enfin la haie entourant la propriété et, au moment où il rejoint la route, la chance lui sourit une fois de plus, sous la forme d'un pick-up Ford [66AWB92] qui passe juste au bon moment et à une vitesse lui permettant de sauter à l'arrière, ce qu'il s'empresse de faire, malgré la douleur qui le taraude, en bénissant sa bonne étoile qui décidément ne l'abandonne jamais.

Devant le somptueux théâtre du crime, l'effervescence est à son comble. Les ambulanciers qui emmènent le policier blessé doivent slalomer entre les voitures de police agglutinées devant le perron, sous le regard sinistré du commissaire, tandis que l'adjoint de ce dernier s'active et rend compte, en bon fonctionnaire.

Co : Occupez-vous de mon inspecteur. Tenez-moi au courant.
Po : Commissaire !
Co : Oui ?
Po : J'ai lancé une équipe à la recherche du criminel qui s'est enfui.
Co : L'arme a été envoyée au laboratoire ?
Po : Non.
Co : Et la voiture ?

Le duo s'approche de la BMW tandis que l'inspecteur fait l'inventaire des informations qu'il a pu recueillir.

Po : Enregistrée au nom du Groupe W Corporation. On continue de vérifier. Il est possible qu'elle appartienne à un des cadres supérieurs.

Par la vitre du conducteur baissée, le commissaire sort le fameux magazine et le portable de Largo, qu'il regarde avec une moue peu engageante, alors qu'autour, l'armada de techniciens de la police s'acharne à relever tous les indices possibles. Clairement, le commissaire n'apprécie pas du tout la tournure prise par les événements.

Voix off : Essayez de trouver des traces… Ses pas ne se seront pas évanouis.

Toujours caché à l'arrière du pick-up, Largo profite d'un ralentissement pour sauter en marche. Il se réfugie en chancelant dans l'encoignure d'un portail imposant. Après avoir laissé passer la vague de douleur provoquée par le saut, il sollicite sa chance une fois de plus et pousse la lourde porte qui daigne s'ouvrir. Aussitôt, il s'engouffre dans le parc boisé qui lui offre son couvert et il s'y enfonce rapidement avant de s'octroyer une nouvelle pause pour souffler et s'orienter. Puis il file vers la maison d'architecte qui se dresse telle un champignon au fond du domaine, non sans se retourner pour vérifier que personne ne l'a repéré.

Après une brève inspection de l'intérieur par la porte vitrée, Largo essaye la poignée et une fois encore sa chance insolente lui sourit et la porte lui cède le passage. La main droite comprimant toujours sa blessure, il entre d'un pas lourd dans un univers raffiné et chaleureux. Pris de faiblesse, il s'appuie un instant sur une table avant de repérer une carafe sur la table basse du salon et de se ruer avidement dessus.[On note au passage que la télé est placée bizarrement, elle n'est en tout cas pas face au canapé, contrairement à plus tard quand Céline la regarde] Le geste maladroit, il se sert en versant autant d'eau hors du verre que dedans et il boit enfin goulûment…quand dans son dos une présence le fait tressaillir

Cé : Si vous faites un seul mouvement je vous abats !

Du coin de l'œil, Largo essaye d'estimer la situation sans tourner la tête pour ne pas effaroucher la femme qui braque un revolver à quelques centimètres de son visage inondé de sueur.

L : Hhh désolé, je croyais que la maison était vide. Je voulais juste boire quelque chose…

Et brusquement il lâche son verre qui se fracasse à terre. Profitant de la surprise de sa braqueuse, il lui attrape le bras qui tient l'arme et l'attire à lui pour la désarmer. Dans la bousculade, la mèche de cheveux qui masquait la joue droite de la jeune femme s'écarte, et Largo se fige un instant en apercevant une longue cicatrice. Comme brûlée par son regard, la femme lâche l'arme pour plaquer ses mains sur sa joue et, figée de honte et de terreur, elle le regarde vider maladroitement le barillet…

L : Je suis désolé. J'ai horreur qu'on pointe un revolver sur moi.

Largo lui remet quasiment de force l'arme dans les mains avant de reprendre un peu de distance pour ne plus l'effrayer, mais il est à bout de force et il ne parvient même pas à se retenir au chambranle de la porte contre lequel il s'est appuyé. Alors qu'il glisse au sol, il remet son sort entre les mains de la jeune femme.

L : La police est à mes trousses, mais je n'ai absolument rien fait.

Et il perd doucement connaissance, assis contre le chambranle.

New York avec l'Hudson et l'Empire State Building.

Groupe W.

Dans le couloir menant au Bunker, Joy fonce en fulminant contre Simon qui la suit tranquillement en mâchouillant un cure-dent : il laisse passer l'orage, sourire aux lèvres…

J : Je ne suis pas jalouse du tout. Je trouve seulement très vexant de se trouver au restaurant avec un mec qui branche toutes les serveuses et qui reluque la moindre des filles qui passe !
Si : Ah excuse-moi, je n'ai reluqué personne !
J : Oh tu parles !
S : J'observe, c'est tout. J'observe la vie.
J : Oui d'accord. Eh bien tu observeras la vie avec une autre à partir de maintenant, tu vois.

Arrivée à la porte du Bunker, Joy glisse son passe dans le lecteur et entre le code tandis que Simon la provoque pour le plaisir…

Si : Voilà ! Ça c'est typique, il faut que TU sois le centre d'intérêt !

Joy ne proteste pas, elle agit… Avec une déférence toute ironique, elle pousse la porte devant Simon et d'une magnifique courbette parodique elle l'invite à passer le premier, au grand amusement de l'intéressé.

Mais à l'intérieur, l'air grave de Kerensky qui retire son casque-micro en les voyant entrer les refroidit immédiatement.

K : Mauvaise nouvelle de Sullivan, à Paris.

Instantanément, Joy est en alerte, et Kerensky assène les nouvelles sans fard, peinant à masquer sa propre inquiétude.

J : Eh bien, qu'est ce qui se passe ?
K : C'est Largo. Il a disparu. Et surtout, il est recherché pour meurtre.
Si : Eh ben on y va !

Joy pousse un grand soupir fataliste.

J : Je n'aurais pas dû le laisser partir seul !

Aussitôt , Simon essaye de l'empêcher de culpabiliser alors que Kerensky philosophe pour masquer son propre malaise…

Si : Tu n'as rien à te reprocher, c'est lui qui a insisté pour y aller sans nous.
K : Un jour ou l'autre il faut savoir se passer de sa grande sœur…

Joy encaisse, elle a déjà tourné les talons pour voler au secours de Largo. Kerensky, infiniment plus ému et troublé qu'il ne voudrait l'admettre, la regarde partir suivie de Simon.

Dans la salle du Conseil, Cardignac, assis dans son fauteuil tourné vers la baie vitrée, est tellement plongé dans ses pensées qu'il ne voit pas Alicia le rejoindre et le dévisager.

ADF : Ben dis donc ! Tu as l'air assez dangereux, aujourd'hui, Michel.
Ca : Non, je réfléchis…

Alicia s'assoit sur la table monumentale, juste à côté de lui, et laisse songeusement courir ses doigts sur l'épaule de Michel.

ADF : C'est ce que je veux dire. Tu as du nouveau sur Winch ?
Ca : À l'instant ? On peut dire que c'est euh… c'est tragique.

Cardignac n'essaye même pas de dissimuler le sourire carnassier qui lui monte irrépressiblement aux lèvres.

ADF : Est-ce que… Est-ce que tu connaissais ce journaliste ?
Ca : Non pas très bien. On avait discuté une fois, il s'est montré scrupuleux sur les faits. J'ai toujours su que Largo était impulsif, mais… jamais je n'aurais imaginé ça de lui.
ADF : C'est mauvais pour le groupe W.
Ca : Tu crois ?…

Son sourire s'accentue.

ADF : Tu te dis qu'à toute chose malheur est bon, toi ?
Ca : Non, tu peux dire que je suis un optimiste un peu dingue…
ADF : Et Largo ?

Cardignac joue avec le pendentif d'Alicia.

Ca : Ah ça, c'est une autre histoire…

Dans la maison champignon, Largo sort doucement de l'inconscience. Il est allongé torse nu sur le canapé, un oreiller sous la nuque et les jambes recouvertes d'un plaid montant jusqu'à un volumineux pansement blanc appliqué sur son flanc droit. Il a à peine ouvert les yeux que déjà il essaye de se redresser, mais la douleur le rappelle vivement à l'ordre et à la réalité. Il se rallonge douloureusement et jette un œil pour découvrir son pansement… Aussitôt il soulève le plaid pour constater l'ampleur des dommages… [à moins que ce ne soit pour s'assurer de sa tenue au-dessous et rassurer sa pudeur naturelle. Désolée, les filles, on a affaire à une femme bien, on aperçoit son pantalon noir au niveau des mollets quand il replie la jambe… encore un fantasme qui s'écroule.. mais ne vous inquiétez pas quand Largo est sur un canapé, ça dégénère toujours assez vite…. !] Il n'a pas le temps de pousser un soupir de soulagement que déjà la maîtresse de maison apparaît les bras chargés d'un plateau. Elle lui apporte un bol de soupe. Largo s'abstient de tout mouvement pour se lever, l'expérience précédente lui ayant servi de leçon, mais il ne quitte pas des yeux la jeune femme dont la partie droite du visage est largement dissimulée par la chevelure.

L : Je vous remercie. Je vous jure que je ne suis pas dangereux.

La jeune femme ne lui répond pas directement.

Cé : Mangez ça.

Elle s'apprête à quitter la pièce après avoir posé le plateau sur la table basse devant le canapé, quand Largo l'interpelle.

L : Attendez. Je ne suis pas sûr de savoir pourquoi vous m'aidez, mais… merci encore.

Une fois encore, la jeune femme ne répond pas, elle hoche légèrement la tête puis se retire. Resté seul, Largo tend la main vers le bol, bien décidé à récupérer des forces rapidement.


Dans le jet, Simon apporte un café à Joy ; pour sa part, il s'est servi un alcool. Il se rassoit à la table de salon, en face de la jeune femme, et tente d'engager la conversation, mais Joy, enfermée dans ses idées noires s'est tournée de profil.

Si : T'inquiète pas, ça va aller. S'il y a un truc que j'ai appris avec lui, c'est qu'il retombe toujours sur ses pattes.
J : Pourquoi est-ce que j'ai accepté quand il n'a pas voulu m'emmener avec lui ?
Si : Il sait très bien se débrouiller. C'est un garçon qui a toujours détesté que quelqu'un le chaperonne sans arrêt. T'as voulu l'accompagner, il a refusé.

Joy apprécie le soutien de Simon, elle tourne un instant la tête vers lui… mais son regard repart de nouveau vers le vide de l'allée centrale.

J : Oui, il est réellement têtu parfois.
Si : Si c'était que parfois !

Simon a beau sourire, il n'arrive pas à décrisper Joy, alors après un silence il repart à l'attaque avec une nouvelle tactique.

Si : Il y a un truc que je ne comprends pas.

Joy répond machinalement, le regard et l'esprit toujours ailleurs.

J : Ah oui ? Quoi ?

Simon se lance.

Si : Pourquoi les femmes veulent-elles toujours s'occuper de lui ? Qu'est-ce que c'est ? De l'instinct maternel ?

Joy lui jette un nouveau coup d'œil, un instant décontenancée, mais son regard repart une fois encore dans le vague.

J : Pourquoi tu me demandes ça ?
Si : Ben, t'es une femme… Et color="#FFFFFF"> tu veux toujours t'occuper de lui.

Cette fois, Joy braque un regard agacé sur Simon.

J : On me paye pour le protéger.

Simon ne se laisse pas désarçonner, il revient à la charge de plus belle.

Si : Oui, mais tu ne peux pas nier qu'il a cet… effet sur les femmes.

Joy se tourne de nouveau vers l'allée en posant son café. Elle se recale dans son siège sans masquer son agacement, souhaitant mettre ainsi fin à cette conversation scabreuse.

J : Ouais… mais demande plutôt à celles à qui il fait de l'effet.

Mais Simon insiste.

Si : T'en fais pas partie ?

Cette fois, Joy tourne la tête vers Simon, offusquée.

J : Je travaille pour lui, moi.

Une fois encore, Simon ne se laisse pas démonter.

Si : Oui mais si tu ne travaillais PAS pour lui ?

Cette fois, Joy s'énerve, elle fait sèchement pivoter son fauteuil pour faire face au trublion. Elle se penche color="#FFFFFF"> au dessus de la table et l'air est soudain chargé d'électricité.

J : Tu n'essaierais pas de me foutre en colère ?

Simon enfonce le clou.

Si : Tu ne réponds pas à la question !

Joy est maintenant parfaitement furieuse.

J : Mais elle est idiote, ta question !

Simon se défend.

Si : Je veux juste savoir ce que les femmes lui trouvent.

Et Joy profite du répit pour passer à l'offensive.

J : Tu veux savoir ce que les femmes lui trouvent ?

Elle a un sourire carnassier tandis que Simon à son tour se penche au dessus de la table. Leurs visages se retrouvent à quelques centimètres l'un de l'autre alors qu'ils se défient.

Si : Oui

Simon sourit, il est enfin parvenu à ses fins. Mais Joy le cueille en beauté.

J : Il est l'inverse de toi.

Le téléphone sonne sans laisser à Joy le temps de savourer sa victoire. La jeune femme se lève et passe en face pour prendre la communication sur le PC de la cabine sous le regard admiratif de Simon.

J : Kerensky, juste à temps !
Si : Pour une fois !

Sur l'écran, le visage de Kerensky est grave.

K : Je viens d'avoir des informations sur Largo et c'est loin d'être rassurant.

Immédiatement, Joy et Simon se tendent.

J : Vas-y.
K : Il ne s'est pas contenté d'abattre Guimond. Tant qu'il y était, il a aussi blessé un officier de police.
J : Ah bon sang !

La nouvelle accable encore un peu plus Joy alors que Simon refuse d'y croire.

Si : Non, arrête, il ne ferait pas un truc comme ça.
K : Eh, moi je ne suis que le messager. En tout cas, le flic est dans un état critique et la police française voit d'un très mauvais œil que l'un des siens ait pu être touché. Ils ont lancé des avis de recherche précis. Et tout doit être mis en œuvre pour appréhender Largo avec tous les moyens utiles. Ce qui veut dire que…
J : Que si on ne le retrouve pas avant les flics, ils vont le descendre.
K : Oui.

Au fur et à mesure que Kerensky progressait dans son exposé de la situation, le visage de Simon s'est crispé. Joy regarde le jeune homme se renverser sur son siège, les bras derrière la tête, il n'est plus en mesure de dissimuler son inquiétude.

Dans la maison champignon, la jeune femme qui a recueilli Largo regarde le journal télévisé en buvant un thé.

Présentatrice : …La police pense que le mobile du meurtre de Monsieur Guimond aurait un rapport avec ce portrait peu flatteur que le journaliste avait fait de Largo Winch. Dans l'article de son magazine, celui-ci décrivait ce dernier comme un aventurier capricieux et irresponsable au sein du monde des entreprises. Pendant ce temps, l'état de l'officier de police blessé par le suspect est toujours stable à l'hôpital. La chasse à l'homme continue pourtant, mais la police…

Pendant le sujet le concernant, Largo rejoint la jeune femme. En le voyant approcher, elle ramène ses cheveux sur sa joue droite et elle ne les lâche plus. Largo a renfilé son pull et sa longue veste. Il reste un moment debout près du canapé où son hôtesse est installée, à écouter la présentatrice et à observer l'absence de réaction de celle à qui il a confié sa vie, puis il s'assoit sur la table basse avec une grimace de douleur alors que sa jeune femme zappe.

Un sourire sur les lèvres, Largo quitte la télé des yeux pour se tourner vers son étrange protectrice.

L : Je suis peut-être capricieux et irresponsable, mais je ne suis pas un meurtrier.

La jeune femme finit par croiser timidement son regard.

Cé : Si vous n'avez rien fait, pourquoi vous vous enfuyez ?
L : Les policiers croient que j'ai abattu un de leurs hommes. Dans ce genre de situation, ils tirent d'abord et posent les questions ensuite. J'en ai la preuve.

Largo jette un regard éloquent vers son flanc. Puis il regarde la jeune femme droit dans les yeux, comme pour mieux la convaincre de sa sincérité.

L : Ce que je veux, c'est découvrir ce qui s'est passé. Et je n'y arriverai pas si je suis à la morgue.

Son interlocutrice ne parvient pas à soutenir son regard.

Cé : Alors faites attention.

Mal à l'aise, elle se lève brusquement et quitte la pièce en tenant toujours ses cheveux devant son visage.

Largo reste pensif quelques instants, puis il se relève en grimaçant et rejoint la jeune femme dans la pièce voisine où elle est plongée dans la contemplation de splendides poissons exotiques.

L : Ils sont magnifiques.

Largo s'est arrêté à bonne distance, dans le dos de la jeune femme. Elle sourit enfin alors qu'il se rapproche doucement jusqu'à se trouver presque à sa hauteur et légèrement sur son côté gauche. Le côté que la jeune femme n'essaie pas de lui dissimuler…

Cé : J'ai toujours aimé l'esthétique.
L : Pourquoi m'avoir gardé ?
Cé : Je vous avais reconnu. Je vous avais vu à la télé.

Largo sourit.

L : Alors vous n'avez sûrement pas vu toutes les infos.

Une fois encore, la jeune femme réagit plus vivement qu'il ne s'y attend.

Cé : Vous faites allusion à Luc Guimond et à son article. C'est loin d'être de l'info, c'est un tissu de mensonges. Question mensonges, j'en connais un rayon, croyez-moi.

Elle s'est un peu tournée vers lui. Largo est de plus en plus intrigué, il fouille sa mémoire.

L : Votre visage me dit quelque chose. Je vous connais, non ?
Cé : Non.

La jeune femme tripote de nouveau ses cheveux devant son visage tandis que Largo se concentre.

L : Je vous ai déjà vue… en photo peut-être… Comment vous appelez-vous ?
Cé : Céline Duquette
L : Céline Duquette… Céline Duquette… Attendez une minute, mais vous étiez mannequin ! Mais oui, ça y est je me rappelle, vous faisiez toutes les couvertures des magazines, puis il y a eu cet accident..

Céline se renferme derrière son visage triste.

Cé : Non, ce n'était pas un accident.
L : Non, c'est vrai. Vous avez été attaquée par un rôdeur… Écoutez, il faudrait que je puisse contacter des amis. Est-ce que je peux rester quelque temps ?
Cé : Oui.

Céline sourit, heureuse que la conversation change de sujet et que Largo veuille rester.

Au siège du Groupe W de Paris, Sullivan reçoit la visite du commissaire dans le bureau directorial. Il a bien du mal à garder son calme devant l'obstination suspicieuse du policier qui pourtant s'évertue à rester poli et mesuré.

Su : Écoutez Commissaire, je me moque de votre opinion. Largo Winch n'a pas assassiné Luc Guimond. Cette idée est ridicule.
Co : Il s'est enfui du lieu du crime et il a blessé un de mes officiers. Ce sont ses empreintes et uniquement ses empreintes qu'on a retrouvées sur l'arme du crime.
Su : J'ai l'impression que votre opinion est déjà faite. Je comprends mieux pourquoi Largo se cache.
Co : Monsieur Winch aura évidemment toutes les chances d'expliquer ses agissements aussitôt qu'il acceptera de se rendre.
Su : Ce n'est pas très rassurant.

L'arrivée de Joy et de Simon survient juste à point pour empêcher la discussion de s'envenimer. Comme d'habitude, Simon a jailli dans le bureau sans frapper et il entre immédiatement dans le vif du sujet, saluant à peine l'interlocuteur de Sullivan.

Si : Bon, allez-y John, mettez-nous au parfum. Vous permettez ?

Sullivan juge plus prudent de faire rapidement les présentations avant que les nouveaux arrivés ne tiennent des propos malheureux.

Su : Commissaire Morel… Joy Arden et Simon Ovronnaz.
Si : Bonjour monsieur… monsieur le Commissaire.

Simon ne peut s'empêcher de renifler en saluant le représentant de la loi, il s'essuie ostensiblement le nez du revers de la main avant de faire un geste vague à l'attention du Commissaire qui préfère interrompre là sa visite.

Co : Nous reparlerons de cela plus tard.
Su : Entendu, comme vous voudrez.

Sullivan le regarde partir avec soulagement non sans lui adresser un sourire professionnel excessivement mielleux.

Joy ne laisse pas le temps à Sullivan de soupirer. La porte du bureau n'est pas refermée qu'elle attaque.

J : Où est Largo ?
Su : J'aimerais le savoir.


De son côté, le commissaire n'a pas atteint les escaliers du hall qu'il reçoit un appel sur son portable

Co : Ici Morel… oui… New York ? color="#FFFFFF"> Très bien, passez-le moi… Allo ?

Sur fond de mappemonde, Cardignac, à demi allongé dans le fauteuil de Largo, les pieds croisés sur la table monumentale de la salle du Conseil, se lance dans ses basses œuvres, le regard plus malfaisant que jamais.

Ca : Oui, bonjour, Michel Cardignac, Président de WinchAir, je vous appelle pour vous faire savoir que le Conseil du Groupe W soutiendra Largo à 200 %. On est convaincus sans aucune réserve de son innocence. Toutefois, ceci étant dit, nous pensons franchement que pour le bien de tous ceux qui siègent à ce Conseil, il serait bon que Monsieur Winch soit mis en garde-à-vue et dans l'incapacité de pouvoir se défendre.

Le commissaire écoute attentivement tout en poursuivant son chemin vers la sortie.

Co : Ah, je vois…
Ca : Et dans l'intention d'améliorer les choses, je crois de mon devoir de vous dire que deux de ses collaborateurs, Simon Ovronnaz et Joy Arden, devraient être d'ici très peu de temps à Paris. Il est fort envisageable qu'il tente d'entrer en contact avec eux.
Co : Je vois… Tout ceci est très intéressant.
Ca : Vous comprendrez, Commissaire que cette situation est d'une rare difficulté pour chacun d'entre nous.
Co : J'apprécie votre coup de fil, Monsieur Cardignac et je vous remercie.

Cardignac a un rictus de satisfaction lorsqu'il prend congé.

Ca : Non, merci à vous.

Pendant ce temps, dans le bureau directorial du siège parisien du groupe W, Joy, Simon et John discutent de la situation. Joy, nerveuse, ne tient pas en place et fait les cent pas devant Sullivan et Simon qui sont assis, l'air fataliste. Le premier est pessimiste, le second optimiste comme à son habitude.

J : Avec cette fusillade, Largo est peut-être blessé… ou pire !
Su : C'est juste.
Si : Mais non, s'il avait été tué, ils l'auraient retrouvé. Il est vivant.
J : Tu n'en sais rien !

Le portable de Simon sonne. La rapidité de sa réponse trahit son inquiétude dissimulée.

Si : Oui, allô ?

D'une cabine téléphonique, Céline délivre son message.

Cé : Oui, ici la pizzeria Sarjevane. J'appelle pour confirmer une commande.
Si : La pizzeria Sarjevane, vous dites ?

En entendant la réponse de Simon, Joy s'immobilise

Cé : L'adresse de livraison est 63 rue Manon, vous avez noté ?

Simon se précipite sur le stylo présenté par Sullivan.

Si : Non, non, attendez ! Voilà, 63 rue Manon, voilà, c'est noté.
Cé : C'est de l'autre côté de la rue par rapport au parc. Je la veux dans 30 minutes ou elle est gratuite.
Si : Trente minutes ou nous vous l'offrons, d'accord !

Joy n'ose pas y croire, Sullivan luit de plaisir et Simon jubile.

Si : C'est une femme, comme d'hab' avec Largo !

Devant une telle évidence, Joy et Sullivan restent muets, le trio savoure les implications de l'appel.

[Au passage on note un léger bug… vous connaissez beaucoup de pizzerias qui passent une commande, donnent l'adresse et exigent d'être livrées en 30 minutes ? Problème de traduction ou problème de script ?LOL]


À Paris, Joy et Simon se garent devant l'adresse indiquée color="#66CCFF">[BMW immatriculée 223 BKG 78]. Joy descend de voiture et observe la rue. Simon la rejoint sur le trottoir, l'adresse à la main.

Si : Qu'est-ce que tu regardes ?
J : Je vérifie juste que les flics ne sont pas derrière nous.
Si : À mon avis, tu t'inquiètes pour rien.
J : Tu crois ?
Si : Oui.

Joy regarde la façade de l'immeuble. De l'autre côté de la rue, il y a un parc avec une petite entrée.

J : 63.
Si : C'est l'adresse qu'elle m'a donnée, mais je parie qu'il est dans le parc. C'est mieux pour surveiller.

Joy a une moue mi-appréciatrice mi-moqueuse.

J : J'avoue que parfois tu raisonnes.

Simon lui sourit.

Si : Ça, ça peut m'arriver.

Sans même essayer d'entrer dans l'immeuble, il traversent la rue et prennent la direction du parc.

Dans l'allée, une belle fille accroche le regard de Simon qui se retourne sur son passage. Aussitôt Joy lui balance un coup de coude.

J : Eh oh ! Tu mates encore !

Simon se défend maladroitement.

Si : Comment ça, je mate ?
J : La fille, là, tu t'es retourné sur elle.
Si : Ah mais pas du tout, je voulais juste euh vérifier encore une fois qu'on n'était pas suivis, c'est tout.

Joy ne peut s'empêcher de sourire devant la mauvaise foi évidente de Simon. Elle le regarde droit dans les yeux et Simon avoue tout alors qu'elle cherche à droite et à gauche si elle aperçoit Largo.

Si : Bon, d'accord, je l'ai regardée, et après, hein ? C'est un crime, maintenant d'apprécier la beauté ? Et toi, tu ne t'es jamais retournée sur un beau mec ?

Joy affiche un grand sérieux.

J : Les femmes ne reluquent pas les mecs.

Si Oh ! Pas à moi. En fait, vous êtes pires que nous. Et je ne te parle pas de celles qui s'amusent à nous allumer d'un seul battement de cils, et puis qui se retournent, style biche effarouchée et qui obligent les pauvres mecs à s'engager dans la légion étrangère.

Cette fois, Joy a un sourire supérieur…

J : Reconnais-le Simon, tu es loin d'être assez fort pour être une fille.
Si : C'est vrai. Mais bref… Allez, il faut qu'on le trouve, il doit pas être loin.

Alors que Simon regarde autour de lui sans succès, Joy ralentit puis s'arrête.

J : Tu as raison.

Les yeux brillants de bonheur, elle regarde le banc sur lequel Largo est allongé, un journal sur le visage. On ne voit que ses semelles, ses mains et le journal. Simon continue de chercher…

Si : Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
J : Largo n'a pas des petits pieds. Il fait du 46 et il a aussi de grandes mains.

Simon cherche toujours, un peu vexé et il finit par repérer Largo quand celui-ci soulève un peu le journal en les voyant approcher.

Si : Oh ! Tu vois que tu le regardes de près.

Joy ne trouve pas ça drôle, elle se défend, ce qui fait rire Simon.

J : C'est mon travail. Il y a des choses que je note.
Si : Oui, bien sûr, comme la taille de ses godasses ! Hm !

Joy d'un regard, lui accorde le point, ce qui remet les joueurs à égalité, puis le duo s'accorde une trêve et rejoint Largo sur son banc. Au passage, Simon donne une tape dans les chaussures de Largo qui se redresse et fait mine de se plonger dans la lecture de son journal pendant que Simon et Joy s'assoient dos à lui, sur l'autre partie du banc double.

Joy, le dos calé contre celui de Largo, lui pose immédiatement la question qui la tracasse tandis que Simon jette un coup d'œil par dessus son épaule pour s'assurer de l'état de son ami.

J : Alors, comment ça va ?
L : Ça va, j'ai quelques petits hématomes, c'est tout.

Joy ne peut retenir un léger soupir alors que Simon, rassuré lui aussi, ne peut s'empêcher de taquiner son ami.

Si : Ah oui, au fait, qui est la jeune femme qui voulait une pizza Sarjevane ?

Joy fixe Simon et attend un peu figée la réponse de Largo qui sourit.

L : Hm ! Une jeune femme qui a accepté de m'aider.
Si : Hm hm !

Largo redevient sérieux.

L : Bon écoutez, je vous assure que je n'ai tué personne.

Cette fois, c'est Joy qui ne peut s'empêcher de sourire devant la naïveté de la déclaration de Largo.

J : Mais ça on le savait.
Si : Et qui l'a fait ?

Largo exprime son manque d'optimisme d'une moue désabusée.

L : Je l'ai vu, mais…30-35 ans, 1,70 m, pas un professionnel. J'ai vu qu'il crevait de trouille. Il parlait avec quelqu'un au téléphone. Il ne travaille donc pas tout seul.

Joy l'écoute avec une attention toute professionnelle.

J : C'est quoi toute cette histoire ?
L : Luc Guimond m'a appelé, me disant qu'il avait des informations sur le Groupe W, suffisamment graves pour qu'il veuille me rencontrer… Le tueur avait commencé à effacer les dossiers de son ordinateur. Seulement, il cherchait quelque chose et je peux vous dire qu'il avait fouillé toute la maison.
J : Certainement une disquette.
L : C'est ce que je pense aussi. Mais je suis sûr d'une chose, il ne l'a pas trouvée. Et si les flics n'ont pas réussi, elle doit toujours y être.
Si : Eh ben on la trouvera.

Au bout de l'allée, des policiers approchent fébrilement. Joy les repère la première.

J : Si on nous en laisse le temps.
Si : Pourquoi tu dis ça ?
J : Regarde !

Largo et Simon suivent le regard de Joy.

Si : Ah oh !
J : Alors je m'inquiète pour rien, c'est ça ?
Si : D'accord ! D'accord, t'avais raison !

Immédiatement, Largo s'est levé et il commence à s'éloigner, suivi de Simon, quand les policiers le repèrent à leur tour et se mettent à courir.

Po : Il est là ! Arrêtez-le !

Simon remarque un homme qui tient un vélo et qui a l'air ailleurs. Sans hésiter un instant, il lui prend la bicyclette des mains et la pousse vers Largo qu'il hèle sans prêter la moindre attention aux protestations de sa victime.

Si : Excusez-moi !
X : Eh mais qu'est ce que c'est ? Arrêtez, c'est mon vélo !
Si : Largo !

Largo attrape le vélo au passage et saute dessus tandis que le pauvre homme s'époumone.

X : Arrêtez-le, il a volé mon vélo ! Au voleur, arrêtez-le !
Si : Calmez-vous.
X : Il a volé mon vélo !

Simon a fait demi-tour pour empêcher le volé de poursuivre son bien, tandis que Largo lui hurle ses consignes sans cesser de pédaler

L : Simon, rachète-lui le meilleur vélo que tu trouveras !
Si : Bien sûr !

Largo file en jetant un coup d'œil par dessus son épaule, semant la panique parmi les pigeons habituellement blasés de l'allée. Il accroît son avance au désespoir des agents à bout de souffle qui le regardent leur échapper sous l'œil réjoui de Joy, qui admire la scène les mains sur les hanches, alors que Simon, lui, rit franchement et ne peut s'empêcher d'applaudir.

Po : Police ! Arrêtez !
Po : Arrêtez, je vous dis ! C'est un ordre !

Les agents semés se précipitent sur une passerelle au-dessus du parc pour repérer le fuyard qui n'est pas loin de s'amuser de cet exercice imprévu.

Po : Allez ! Dépêchez-vous !
Po : Tenez ! Le voilà ! On descend !

Mais Largo atteint la sortie du parc et il se précipite dans la voiture de Céline qui s'arrête juste à point pour le récupérer.

Cé : Vite ! Grimpez !

Dans le mouvement qu'elle a fait pour lui ouvrir la portière, Céline a fait glisser le foulard qui lui couvrait la tête, découvrant ainsi la grande cicatrice qui lui barre la joue droite.

L : Foncez, dépêchez-vous !

Largo reste une fraction de seconde sans réaction en voyant le visage de Céline. Celle-ci renoue précipitamment son foulard, blessée.

Cé : Ne me regardez pas comme ça !

Mais Largo a d'autres soucis en tête et il la ramène à la réalité sans ménagement.

L : Roulez ! Allez, allez, allez, allez !

La jeune femme redémarre enfin alors qu'une armée de policiers déboule du parc et les regarde disparaître, impuissante.


Peu après, dans le parc, Simon et Joy, toujours assis sur leur banc, essuient l'interrogatoire du commissaire qui est arrivé sur place.

Co : Bon, alors, qu'est-ce qu'il a eu le temps de vous dire ?
J : Que ce n'était pas lui l'assassin, Commissaire, il y avait un autre homme avec lui à l'intérieur.
Co : Ah oui ? Et il l'a vu cet homme ?
Si : Oui, il l'a vaguement décrit. 1,70 m, 30-35 ans…

Visiblement, le commissaire ne se passionne pas pour cet autre suspect…

Co : Excusez-moi, Monsieur, mais si votre ami a des renseignements, je préfèrerais les entendre de sa bouche. Mais il continue de fuir. S'il change d'avis, appelez-moi.

Il donne sa carte à Simon qui la déchiffre d'un air pour le moins ambigu…

Si : Je vous remercie… Monsieur le … Commissaire Morel ?

Mais le commissaire ignore le sarcasme, il a déjà tourné le dos pour s'occuper de ses hommes et il n'écoute même pas la question de Simon…

Si : Est-ce qu'on peut y aller maintenant ?

Ce que Joy s'empresse d'interpréter comme leur libération..

J : Ça doit vouloir dire oui.
Si : Alors allons-y.

Pendant ce temps, Céline et Largo sont arrivés à la maison champignon. La jeune femme rentre en courant et se précipite dans l'escalier en arrachant son foulard. Elle est bouleversée. Largo qui la suit essaye de l'apaiser, mais elle a déjà atteint l'étage quand il arrive au pied de l'escalier.

L : Attendez-moi !

Un claquement de porte lui répond. Largo monte à son tour et commence à parler derrière la porte de la chambre où la jeune femme s'est réfugiée.

L : Céline, je vous en prie, écoutez-moi !

Céline essaie de s'absorber dans la contemplation du parc par la fenêtre.

Cé : Laissez-moi seule.

Mais Largo, loin d'obéir, ouvre doucement la porte et entre dans la chambre en rassemblant son calme. Il se frotte le menton, cherchant comment aborder le problème.

L : J'ai vu votre cicatrice, d'accord, et après ? Je ne comprends pas votre attitude.

Céline se retourne vivement.

Cé : C'est évident. Qu'est-ce que vous comprendriez au fait d'être mutilé ?

Largo s'anime, plein de bonne volonté, il s'avance vers elle.

L : Faites-vous faire de la chirurgie. Je vous trouverai le meilleur chirurgien qui existe au monde.
Cé : Je regrette, je ne peux pas !

La jeune femme soulève ses cheveux et lui met sous les yeux sa joue balafrée.

Cé : Ceci est une chéloïde. Une cicatrice qui ne s'efface jamais. Je suis obligée de faire avec pour toujours.

Largo baisse les yeux, puis la tête, il cherche quoi dire.

L : Je suis désolé.

Mais Céline est lancée, il faut que ça sorte. Cette fois elle ne se dissimule plus. Elle regarde Largo en face et c'est lui qui a du mal à soutenir son regard si plein d'émotion et de souffrance.

Cé : Mon visage, c'est tout ce que j'avais. Dieu sait que ça fait stupide et superficiel, mais c'est tout ce que j'avais et tout ce que le Ciel m'avait donné. Regardez !

Elle attrape une poignée de magazines (Tendencies, Beauté…) sur son secrétaire et les met de force dans les mains de Largo. Largo jette un coup d'œil sur les photos de Céline qui ornent les couvertures.

Cé : Vous comprenez, maintenant ?

D'un geste déterminé, Largo balance les revues sur le radiateur à côté de lui, puis il regarde Céline droit dans les yeux, calmement, un léger sourire sur les lèvres.

L : Vous savez ce que je vois ? Une femme qui fait preuve de gentillesse envers un homme qui a des ennuis, qui n'a pas perdu la tête aujourd'hui quand tout allait de travers, et qui est sûrement capable de tout dans la mesure où elle a décidé de faire quelque chose. C'est ça que je vois, moi.

C'en est trop pour Céline qui tente une fois encore de fuir.

Cé : Ça suffit !

Mais Largo la saisit fermement par le bras, la faisant pivoter pour rattraper son regard, impitoyablement.

L : Attendez ! Vous allez m'écouter encore un peu. Jamais je n'ai dit que vous n'avez pas vécu l'enfer. Je pense… je pense que vous avez dû souffrir. Mais je dis que vous êtes assez forte pour refaire surface. Et j'ajouterai… que vous êtes magnifique, oui… Il faut que vous le sachiez.

D'abord très ferme, Largo se radoucit en parlant jusqu'à devenir extrêmement tendre avec Céline. De la main gauche, il caresse le front de la jeune femme pour écarter les cheveux qui dissimulent son visage. Puis du pouce droit il lui effleure le menton et la joue gauche.

Céline est au bord des larmes.

Cé : Faut pas faire ça. Je ne veux pas de votre pitié !

Le regard de Largo est toujours plongé dans celui de Céline, il respire la sincérité et l'admiration.

L : Non… Je peux vous assurer que la pitié est la dernière chose qui me vienne à l'esprit.

Quand les yeux de Largo arrivent à se détacher de ceux de Céline, c'est pour se poser sur les lèvres de la jeune femme. Largo s'approche doucement, irrésistiblement attiré, mais au moment où il s'apprête à l'embrasser, Céline ne peut retenir un mouvement d'appréhension. Largo recule immédiatement de quelques centimètres avant de repartir à la conquête de la jeune femme avec une immense délicatesse. Enfin leurs lèvres se touchent, se goûtent et, une fois encore, Largo recule un peu, les yeux clos, pour savourer ce succès, puis il cède sans arrière pensée à son désir et le couple s'embrasse, s'embrase et s'enlace, ne perdant plus un instant. Les mains s'activent pour faire tomber les vestes sans que les lèvres ne se quittent. Les corps s'allongent, se pressent puis se redressent, ne se détachant que pour enlever les hauts qui font obstacle avant de repartir à la découverte de l'autre. Caresses et baisers, baisers et caresses…

Plan extérieur de la maison champignon, le temps de laisser pudiquement le champ libre aux ébats color="#66CCFF">[Eska soupire…]

Dans le lit, le couple assouvi savoure la paix des sens. Largo, allongé sur le dos de Céline, le parsème de tendres baisers tandis que ses doigts papillonnent sur les bras de la jeune femme métamorphosée de bonheur sensuel. [THUNK Eska vient de se rendre compte que Largo est aussi capable de payer de son corps dans un LIT !!! Aarrghh ! Bon d'accord ce n'est pas encore le sien… mais… c'est quand même un événement unique dans la saison 1]

Cé : Allez, dis-moi que ce n'est pas un rêve…
L : Non. Ce n'est pas un rêve.
Cé : J'avais oublié ce que ça faisait de se sentir désirable.
L : Il faut que tu récupères tout le temps que tu as perdu.

Céline rit.

Cé : Quand je suis sortie de l'hôpital, j'ai verrouillé la porte et fermé les fenêtres. Je voulais que plus personne ne voie mon visage.
L : Ton visage est magnifique.

Céline se retourne sur le dos pour faire face à Largo, ils recommencent à s'embrasser…

Cé : Ça c'est quelque chose qu'on ne m'a pas dit depuis longtemps.

Propriété de Luc Guimond. Simon et Joy approchent du perron. Le parc est désert, les voitures n'ont pas été enlevées, simplement un ruban jaune portant la mention « Police nationale – zone interdite » a été déployé tout autour, ce qui n'arrête aucunement notre duo de choc qui se contente d'enjamber la barrière symbolique en jetant un coup d'œil alentour.

J : J'en reviens pas qu'ils aient laissé ça en l'état. Il y a eu un crime, ici !
Si : Oui…mais dans l'esprit des flics, le crime a été résolu.

Alors qu'ils montent les quelques marches menant à la porte d'entrée, quelqu'un les épie depuis une fenêtre de la demeure. Simon s'agenouille pour crocheter la serrure sous le regard critique de Joy qui attend les bras croisés.

J : Je te croyais plus doué !
Si : Je vais y arriver.
J : Ouais, faut pas être pressés !

Simon ouvre et ébauche une courbette pour laisser passer Joy, dans un superbe parallèle avec la scène du début à la porte du Bunker.

Si : Et voilà ! Après vous !

Dans la maison, le même ruban jaune de la police a été tendu en travers de la porte ouverte du bureau. Simon et Joy passent tranquillement en dessous tout en constatant l'ampleur du désordre qui règne toujours dans la pièce. Le souffle rendu rauque et rapide par la peur, quelqu'un les observe par une porte entrebâillée.

Si : Pfffew, ils pourraient faire le ménage !
J : Ouais ! L'ordinateur est toujours là…
Si : Bon, alors il faut trouver une disquette, c'est ça ?
J : Oui, il y a des chances.

Joy commence à fouiller, méthodiquement. Elle soulève le moniteur, le clavier… elle passe en revue tout ce qui traîne sur le bureau tandis que Simon regarde autour de lui.

Si : Peut-être qu'il y a une cachette secrète.

Joy ne peut s'empêcher de persifler.

J : Oh, une cachette secrète ! Et moi qui ai oublié ma super-bague à découvrir les cachettes secrètes !

Mais Simon ne relève pas, il continue selon sa méthode personnelle et étudie le manteau de la cheminée.

Si : Ah il l'a peut-être cachée sous un carreau qui bouge.
J : Je crois que tu as vu beaucoup trop de films.
Si : Non, crois-moi. Tu sais, j'ai une certaine expérience.

Joy se moque.

J : En matière d'effraction ?
Si : Oui
J : Eh bien je m'en serais doutée en voyant les ennuis que tu nous as causés !

Une fois encore, Simon préfère ne pas commenter. Il commence à tâter le sol alors que Joy feuillette les dossiers.

Si : Peut-être que le plancher a une lame qui bouge…
J : Non. C'était un journaliste, pas un agent secret. Ça doit être plutôt là où il travaillait.

Simon sourit d'un air quelque peu condescendant.

Si : Voilà. Eh bien tu vois, ça c'est un manque d'imagination.

Pour appuyer sa théorie, il pousse une porte à double battant afin d'aller inspecter la pièce voisine… et il se retrouve face à l'inconnu cagoulé qui les épiait et qui désormais lui pointe son arme juste sous le nez. Simon a le réflexe de repousser de toutes ses forces le bras armé. Pour faire bon poids avant de réfléchir, il ajoute un coup de boule qui renverse son adversaire et il profite de l'effet de surprise pour bondir se mettre à l'abri derrière le bureau en compagnie de Joy qui le rejoint d'un superbe plongeon tandis que l'homme se relève et les canarde. Le duo renverse le bureau pour faire écran aux projectiles et le tireur ayant vidé son chargeur estime plus prudent de filer sans demander son reste. Après quelques secondes, Simon risque un regard par dessus leur bouclier improvisé.

Si : Je crois qu'il s'est tiré. On devrait en faire autant !

Il s'est déjà redressé quand Joy qui s'apprêtait à le suivre aperçoit la disquette dans un boîtier transparent fixé sous le plateau du bureau protecteur : elle se saisit du trophée avec un petit regard rien moins que triomphant.

J : Attends ! Regarde ! Souvent, le manque d'imagination ça marche !

Simon reconnaît sa supériorité sur le sujet et ils filent à leur tour.

Si : Ah, très fort !
J : Allez, viens !

Dans le parc de la propriété, le fuyard en noir reprend son souffle en s'assurant qu'il n'est pas suivi. Il enlève sa cagoule : Largo avait raison, le meurtrier de Guimond cherchait bien une disquette et il ne l'avait pas trouvée !

Dans la chambre de la maison champignon, Largo s'est rhabillé (toujours en pull blanc à col roulé dont la tache au flanc est masquée par la longue veste noire…). Il vient doucement s'asseoir sur le bord du lit où Céline dort encore. Penché au dessus d'elle, il caresse délicatement son épaule nue pour la réveiller en douceur…

L : Bonjour !
Cé : Tu pars ?

Céline promène tendrement la main sur le revers de la veste de Largo pendant qu'il lui expose ses projets en la caressant du regard et de la voix.

L : Luc Guimond disait qu'il avait des informations importantes sur le Groupe W. Je pense qu'il y a une forte chance que le tueur travaille pour nous.
Cé : Qu'est-ce que tu vas faire ?
L : J'ai vu le tueur. S'il travaille pour le Groupe W, je devrais arriver à le retrouver.
Cé : Oui, mais on va te reconnaître.

Largo sourit avec assurance.

L : Ne t'inquiète pas, je vais baisser la tête.

Soudain, son regard est attiré par un chapeau enrubanné posé sur l'abat-jour de la lampe de chevet. Il l'attrape et se le fiche sur la tête.

L : Ça me va ?

Le tableau fait rire Céline qui s'assoit pour lui enlever cette horreur.

Cé : Je suis certaine qu'on doit pouvoir te trouver mieux.

Elle l'embrasse puis prend une de ses mèches et se la met sous le nez avec une petite moue coquine, improvisant ainsi une luxueuse moustache pour illustrer sa pensée.


Aéroport Charles de Gaulle, Paris.

La BMW de Joy et Simon est garée au pied de la passerelle du jet, qui sert une nouvelle fois de base à l'équipe. Dans l'avion, Joy et Simon, debout, sont en communication avec Kerensky. Ils regardent l'écran du PC où s'affichent des lignes de chiffres.

J : C'est tout, Georgy, il n'y a que des chiffres, tu as une idée de ce que ça pourrait être ?

Au Bunker, Kerensky regarde la même chose sur l'écran mural

K : Il se pourrait que ce soit une sorte de code…

Simon s'amuse à reprendre à son compte la position de Joy [qui n'a pas si mal marché jusqu'à présent LOL] sous le regard incrédule de celle-ci. [Beau parallèle avec la fouille du bureau]

Si : Le type était journaliste, pas agent secret.

Kerensky semble aussi peu convaincu que Simon l'était quelque temps plus tôt. Il rechausse ses lunettes et se tourne vers son PC qui affiche toujours les mêmes séries de chiffres [xx-xx-xx xxxx xxxx xxxx ]

K : Bon, d'accord, alors toi, qu'est-ce que tu suggères ?
Si : Quelque chose d'un peu plus matériel.
K : Ça manque d'imagination, c'est plutôt aléatoire.

Simon savoure la perche tendue

Si : Parfois, le manque d'imagination, ça aide.

Ce qui a l'art d'agacer Joy qui essaie de se concentrer sur le problème.

J : Hm ! Je suis désolée d'interrompre cette brillante conversation pour en revenir à ce qui nous intéresse, mais ces chiffres ressemblent à des dates.
Aussitôt, Kerensky pianote sur son clavier et une nouvelle fenêtre apparaît, présentant les chiffres triés : D'abord toutes les séries de xx-xx-xx puis toutes les séries de xxxx xxxx xxxx.

Effectivement, la première partie semble bien correspondre à des dates… [22-05-01 ; 21-02-01 ; 27-06-01 ; 23-01-01 ; 31-08-01 ; 27-04-01 ; 28-03-01et 31-01-01.] Mais ça ne semble pas inspirer le trio.

Si : Ah oui ? Mais quel genre de dates ? Et ces nombres, ça veut dire quoi ? Ils ont un point commun ?
K : Dis donc, on t'a nommé grand inquisiteur, aujourd'hui, toi ?
Si : Initiative personnelle !
J : En tout cas, il va falloir que tu décodes ça très rapidement.

Façade du siège du Groupe W, Paris [Group W Enterprises].

Dans le hall, Largo se dirige vers le bureau d'accueil, un gros vase de fleurs dans les mains, ses charmes bien dissimulés sous de fines lunettes, une moustache et une perruque brunes le rendant presque quelconque [si on omet sa prestance naturelle aisément reconnaissable LOL]. Là, il dépose son bouquet sur le comptoir avant de profiter de ce que le téléphone sonne pour aborder l'hôtesse en déguisant sa voix.

L : Bonjour.

La réceptionniste pare au plus pressé et décroche, comptant faire patienter l'arrivant.

Hôtesse : Veuillez m'excuser. Groupe W Paris… Il n'est pas là pour le moment, je vous mets en relation avec sa boîte vocale. Il sera de retour dans une heure.

Mais Largo en profite pour s'esquiver en abandonnant ses fleurs sur le comptoir. Profil bas, il monte jusqu'à la comptabilité et entre discrètement dans le bureau après s'être assuré par la vitre que celui-ci est désert. Sans perdre un instant, il s'installe devant l'ordinateur et interroge l'organigramme des relations humaines après avoir sélectionné la présentation en anglais et rentré son code d'accès. L'arborescence s'affiche sans problème avec photo, nom, adresse et âge des employés. Largo ne tarde pas à repérer son agresseur.

L : Bingo !

Il clique sur la photo de l'individu et la fiche détaillée n° 5978422 apparaît. [Éric Daniel – Director European Shipping Division – 28 rue de Miromesnil 75008 Paris – Tel. 01 52 66 17 53 – Age : 33 ans – N° SS : 1 67 063513/24 – Medical examination : Passed – Date hired : 15/02/95 – Previous employer : SOBIX – Marital status : Single – Number of dependent children : 0]

L : Imprimer…

Pendant que la fiche s'imprime, Largo prend une carte dans un tiroir et y griffonne quelques mots. Il la glisse entre ses lèvres le temps de cliquer sur le nez de Daniel pour fermer le fichier, puis il récupère la feuille sortie de l'imprimante et file.

Il repart comme il est venu, sans que personne ne se retourne sur son passage. Il a empoché le document mais gardé la carte à la main. Parvenu sans encombre à l'accueil, il se rappelle au bon souvenir de l'hôtesse enfin libre, d'une voix bien grave.

L : Ces fleurs sont pour Joy Arden. On m'a demandé de les déposer dans le bureau de John Sullivan.

Mais au même moment, le Révérend Travers redescend lui aussi. Heureusement pour Largo, le pasteur est interpellé par une autre hôtesse, ce qui lui laisse juste le temps de se détourner avec une grimace de petit garçon sur le point d'être pris la main dans le pot de confiture.

Hôtesse : Révérend Travers, il est revenu dans son bureau
Rév : Oui, je vous remercie.

Après le passage du Révérend dans son dos, Largo reprend sa petite conversation avec l'hôtesse tout en glissant la carte qu'il a toujours à la main au milieu du bouquet.

L : Euh, veillez bien à ce qu'elle voie la petite carte qu'il y a dessus.
Hôtesse : Entendu.


Largo n'a pas attendu la réponse, il est déjà parti, ratant de justesse Éric Daniel qui sort de son bureau [porte vitrée portant logo W et petite plaque à son nom LOL] pour aller à la rencontre du Révérend, dans le hall. Visiblement les deux hommes se connaissent bien. Ils rentrent directement dans le vif du sujet à voix basse tout en surveillant les alentours afin de s'assurer que personne ne les écoute. Daniel est très nerveux et Travers essaie de calmer ses angoisses.

Da : Il y a du nouveau ?
Rév : La police ne sait toujours pas où se trouve Winch.
Da : Si jamais on m'attrape, je suis foutu. Il me reconnaîtra, il m'a vu.
Rév : Il n'y a absolument aucune chance, croyez-moi.
Da : Vous ne connaissez pas Winch. La chance lui a souvent souri.
Rév : Non, cette fois-ci c'est le contraire, Éric. À partir d'aujourd'hui elle est passée de notre côté. On en a eu quand on a vu Luc Guimond fouiner dans nos manifestes d'expéditions. On en a eu encore plus quand Winch a débarqué pour se faire accuser du meurtre. Il faut nous assurer qu'à partir de cette seconde, ce qu'il va recevoir ne sera que de la malchance.

Daniel n'a l'air ni calmé ni convaincu.

Da : Amen, Révérend !


Hall d'entrée de la maison champignon. Céline vient ouvrir à Joy et Simon qui ont sonné, tandis que Largo adossé au mur près de l'escalier observe leur premier contact avec l'assurance du maître des lieux.

J : Bonjour, je suis Joy Arden, et je vous présente Simon Ovronnaz.

Appuyé en toute décontraction contre l'encadrement de la porte, Simon apprécie en connaisseur l'ensemble de la personne de Céline avant de jeter lui aussi un œil sur la réaction de Joy. Mais la jeune femme ne laisse rien paraître de ses impressions derrière sa politesse de bon ton alors que Céline les fait entrer.

Si : Bonjour.
Cé : Enchantée. Céline. Entrez.

Largo ne résiste pas à l'envie de tarabuster un peu ses amis.

L : Vous en avez mis, du temps !

Ce qui fournit à Joy une excellente excuse pour s'en tenir à un humour de façade alors qu'elle entre, une mallette à la main.

J : Oui, Simon voulait s'assurer que nous n'étions pas suivis, n'est-ce pas Simon ?
Mais Simon commence à se lasser : il n'apprécie pas vraiment d'être raillé devant une belle femme.
Si : Ah ça va, t'es lourde, là !

Hélas pour lui, Joy, loin de s'excuser, savoure sa vengeance avec un sourire carnassier.

J : Eh bien je te renvoie l'ascenseur…

Elle apprécie au passage l'amusement qu'elle lit sur le visage de Largo, ce qui l'incite à pousser son avantage. Elle passe devant son patron tous charmes dehors, à la limite de la provocation.

J : Ah oui, au fait, merci pour les fleurs, elles sont très jolies.

Et comme il se doit, Largo ne manque pas d'admirer le caractère et la femme !

Installés autour de la table basse du salon sur laquelle trône la mallette ouverte, Largo, Simon et Joy font le point tout en grignotant des petits fours. Joy étudie la feuille sur laquelle Largo a imprimé la photo et les données concernant le tueur avant de la passer à Simon dont la bouche ne désemplit pas.

L : Il s'appelle Éric Daniel. Il dirige le Service européen d'expédition depuis nos bureaux du sud de Paris.
J : Tu es bien sûr que c'est lui que tu as vu ?
L : Absolument.
Si : Il dirige les expéditions, hm ? Il fait de la contrebande, peut-être… Si ça se trouve, c'est ça que Guimond avait découvert. Ça a peut-être un rapport avec les chiffres.

Céline apporte une cafetière et s'apprête à se retirer tout aussi discrètement qu'elle est venue pour ne pas troubler cette atmosphère de travail, mais Largo la rappelle avec un sourire engageant.

L : Non, attends, tu peux rester.

Céline accepte l'invitation avec plaisir et revient s'asseoir sur le canapé à côté de Largo, alors que Simon est partagé entre son admiration pour la capacité de séduction de Largo et son exaspération de voir son ami se comporter avec une si coupable innocence devant la malheureuse Joy. Celle-ci tente de dissimuler son agacement évident en ramenant rapidement les esprits sur le sujet qui les intéresse.

J : Bon, qu'est-ce qu'on sait sur lui ?
L : Il faut peut-être remplacer les chiffres par des noms ?

Simon ne cesse de s'empiffrer tout en raisonnant.

Si : Non, si ça se trouve ce sont des dates d'expédition.
L : Fais voir.

Largo, intéressé par l'hypothèse, récupère la liasse de feuilles posée sur les genoux de Simon. Comme elle est couverte de miettes, il fait un peu le ménage tout en jetant un regard de réprobation amusée à Simon qui se dédouane d'un sourire sans l'ombre d'une once de culpabilité.

Si : C'est des miettes.

Céline jette un œil sur les documents que tient Largo.

Cé : Ces autres chiffres, on dirait des chiffres de récépissé.

Devant la simplicité de ce qui paraît tout à coup une évidence, le trio reste sidéré. Simon regarde Joy, Largo regarde Céline. Ils restent médusés, à tel point que Céline, gênée tente de se justifier avec un air de s'excuser…

Cé : Je fais tous mes achats par correspondance.

Largo est le premier à parvenir à réagir. Il se lève pour attraper le téléphone, ce qui a pour effet de tirer Joy de sa stupeur.

J : Attention, si jamais tu appelles le Groupe W, ils vont te repérer.

Mais Largo persiste dans son intention et compose un numéro.

L : Au point où on en est, ce serait aussi bien.

Il se rassoit sur le canapé, le téléphone dans une main, les feuillets dans l'autre tandis son appel aboutit.

K : Quartier général du Parti communiste, quel service demandez-vous ?
L : Georgy ? Largo.
K : Largo ! Sois le bienvenu au pays de la liberté.
L : Je ne suis pas encore de retour. Entre sur le site de nos services d'expédition et vérifie le récépissé numéro 81 72 97 66 26 78.

Au Bunker, Kerensky a retrouvé son masque impassible. Il est immédiatement prêt à suivre les instructions de Largo. Sur l'écran mural et sur le PC de Kerensky, les fenêtres de recherche laissent place à un bordereau de transport.

K : J'y suis. Oui, c'est une partie d'expédition qui doit aller de Paris à Cape Town. L'affréteur en est World Rescue et la cargaison doit quitter le Terminal de fret de Paris Nord ce soir sur un camion qui doit livrer à l'un de nos bateaux au Havre.

Aux mots « World Rescue », Largo réagit vivement. Son agacement est tel qu'il s'est levé. Il cherche un instant le calme par la fenêtre et parvient à dominer sa fureur. Quand Kerensky a fini, il raccroche sans commentaire.

L : Merci, je te tiens au courant.

De nouveau maître de lui-même, il ramasse le listing tout en expliquant ce qu'il sait à ses amis.

L : C'est là que j'ai déjà entendu le nom de Daniel. Il travaille avec World Rescue et avec le Révérend Travers.

Joy tire les conclusions tandis que Largo range rapidement tous les documents dans l'attaché-case

J : Mais ils se servent de la World Rescue pour faire de la contrebande. De quoi ?
L : C'est ce qu'on va savoir !

Le trio file aussitôt, Joy tenant la mallette. Au moment de franchir la porte sur les talons de Joy et Simon, Largo se ravise, il se retourne vers Céline et la regarde droit dans les yeux avec une assurance pleine de tendresse.

L : Eh, rassure-toi. On sait très bien ce qu'on fait.

Céline s'efforce de faire bonne figure, elle lui tripote la veste, machinalement.

Cé : Oui, mais ça faisait longtemps que je ne m'étais plus inquiétée pour quelqu'un.

Largo s'approche encore et l'embrasse tendrement avant de déposer un dernier petit bisou d'au revoir sur ses lèvres.

Cé : Merci.
L : Pourquoi ?
Cé : Pour m'avoir ramenée à la vie.

Sur un dernier sourire, ils s'accordent encore deux bisous puis Largo file rejoindre ses amis. Céline, le sourire doucement envahi de tristesse, le regarde partir.

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Sur un quai de chargement, un chariot élévateur embarque des containers dans un camion bâché portant le logo du Groupe W.

Dans le bâtiment, au milieu d'une multitude de caisses de toutes tailles dont certaines portent la croix verte de World Rescue , des manutentionnaires à l'air peu commode s'activent.

X : Dépêchez-vous de charger, il n'y a pas de temps à perdre ! Allons-y !

Au cœur de cette agitation, Travers discute avec Daniel en manipulant un M16 tiré d'une caisse ouverte.

Rév. Cette couverture est réellement parfaite. Dommage.

Da : Comment ça, dommage ?
Rév : On va effectuer cette livraison mais ce sera la dernière. Ça devient trop dangereux dans les circonstances actuelles.

Joy, Largo et Simon, dissimulés derrière des casiers entre les containers les observent de loin.

J : Des M16 !
Si : Et ça ne doit pas être tout.

Largo, écœuré et amer, ne les quitte pas des yeux.

L : Le gentil révérend Travers se sert de World Rescue pour faire de la contrebande d'armes.
Si : Et le Groupe W lui file un coup de main.
L : Non. C'est terminé. On va aller trouver la police.

Simon le regarde, surpris.

Si : C'est ça, ta bonne idée ?

Largo confirme avec une petite moue réaliste.

L : Oui, c'est ça.

Simon fouille alors dans sa poche.

Si : Tiens, voilà la carte du commissaire.

Largo prend la carte et palpe machinalement ses poches à la recherche de son portable resté dans la BMW chez Guimond… tandis qu'un peu plus loin, la tension monte.

Voix off : Allez, maniez-vous bon sang, il faut que tout soit chargé dans un quart d'heure.

Simon se moque gentiment de Largo en lui tendant son portable que ce dernier prend avec une petit sourire appréciateur

Si : Téléphone ?
L : Hm, merci beaucoup !
Si : Oh de rien.

Pendant que Largo compose le numéro du commissaire, Travers en vient aux choses sérieuses dans l'allée.

Rév : Vous savez que… que vous allez devoir disparaître.
Da : Pourquoi ? À cause de Largo Winch ?
Rév : Il y a des chances que les flics finissent par l'avoir, et il racontera sa version des faits.

Largo passe son coup de fil, le dos plaqué contre un container, tout en surveillant d'un œil les manigances des trafiquants.

L : Commissaire Morel, s'il vous plait.
Secrétaire : De la part de qui ?
L : Largo Winch.
Secrétaire : Un instant, je vous prie.
Co : Commissaire Morel.

Largo s'éloigne un peu.

L : Commissaire ?
Co : Oui ?
L : J'ai retrouvé l'homme qui a tué Luc Guimond.

Pendant que Largo termine sa discussion téléphonique, le temps vire à l'orage entre Travers et Daniel.

Rév : Il ne faudra pas longtemps à la police pour comprendre ce que vous avez magouillé.
Da : Ce que nous… Ce que NOUS avons magouillé. Toute cette affaire est votre opération, ne l'oubliez pas. Toute cette escroquerie, ce trafic d'armes est une idée à vous. Je n'assure que le transport dans l'histoire.

Largo a raccroché. Il rejoint Joy et Simon et renvoie amicalement le téléphone à son propriétaire.

L : Ils ne vont pas tarder.

Mais dans l'allée, les choses se précipitent.

Rév : Vous avez oublié aussi que vous avez tué Luc Guimond.
Da : C'est vous qui m'avez fait tomber dans un piège.
Rév : Je n'ai fait que vous faire participer.

Tout en parlant, Travers recule de quelques pas et braque soudainement une arme sur son complice. Largo fidèle à lui -même fonce immédiatement sans demander l'avis de ses petits camarades.

L : Couvrez-moi !

Avant que Joy ou Simon aient pu ébaucher un mouvement, il a filé. Le duo se contente donc d'attendre la suite des événements, arme au poing.

Rév : Au revoir, Dieu vous bénisse, Daniel !

Comme le révérend s'apprête à abattre Daniel, Largo surgit sur sa gauche.

L : Lâchez votre arme, Travers !

Immédiatement, Travers tire en direction de Largo mais celui-ci a le réflexe de se jeter à l'abri des caisses alors que Joy et Simon, qui n'ont pas pu bouger, rentrent la tête dans les épaules, stupéfaits de la rapidité de réaction et de la maîtrise de soi dont fait preuve Travers.

Si : Bon sang, il a des tripes !

Daniel, pour sa part, profite de la diversion pour essayer de s'enfuir, rapidement poursuivi par Travers puis par Largo tandis que Joy s'élance à son tour, suivie de Simon.

J : Largo !

En entendant Joy, Largo qui essayait de retrouver les malfrats fait demi-tour et rejoint ses amis.

L : Il faut qu'on tienne jusqu'à l'arrivée de la police.
J : Ah oui, et avec quoi ? Ils ont des M16 !
Si : Nous, on a notre intelligence !

Un instant regroupé à un carrefour entre les murs de caisses, le trio échange des regards fatalistes empreints d'une connivence toute routinière, l'air de se dire « décidément ça ne changera jamais », puis chacun repart dans une direction assumer sa part de bagarre.

Pendant ce temps, Travers qui a vidé son chargeur est revenu à la caisse ouverte s'approvisionner. Il rameute ses hommes.

Rév : On a des problèmes !

Et il prend un M16 alors que trois gars le rejoignent et piochent eux aussi dans la caisse avant de s'égailler dans les allées.

Joy est la première à trouver un vilain. Elle tire sur le crâne rasé sans succès.

Largo quant à lui a pris de la hauteur. Se déplaçant sur une rangée de containers, il se rapproche tel un chat d'un truand en bonnet.

Joy a perdu la trace de son chauve. Elle fait demi-tour juste au moment où son adversaire qui l'a contournée ouvre le feu. Mais elle parvient à s'abriter de justesse.

Simon, lui, s'est trouvé un chevelu qui l'arrose copieusement de balles quand il l'entend sauter derrière lui.

L'homme au bonnet repéré par Largo se fige en entendant les tirs de son camarade. Il cherche d'où viennent les coups de feu. Largo en profite. En deux sauts il descend de ses caisses et atterrit sur le dos de son adversaire. Comme celui-ci fait mine de se relever, il l'achève à la volée d'un grand coup de caisse en pleine face.

Largo n'a pas le temps de souffler qu'il aperçoit une silhouette se faufiler un peu plus loin entre deux caisses. Il repart à la chasse après avoir ramassé son arme égarée dans la bagarre.

De son côté, Simon réussit à prendre son chevelu à revers. Il lui saute sur le dos, l'envoie voler contre un container et l'achève d'un double coup de pied à l'estomac puis au visage.

Joy n'a pas l'intention d'être en reste. Ayant retrouvé son chauve, elle pousse un gros chariot métallique pour l'écraser contre le mur de caisses. L'homme estourbi entre les grilles et les planches n'a pas le temps de comprendre ce qui lui arrive que déjà il reçoit le pied de Joy dans la poitrine avant de finir projeté contre le grillage du chariot. Simon arrive juste à temps pour admirer le résultat.

Si : Ah…. T'as été à la pêche au gros !

Le duo n'a pas le temps de s'installer pour prendre le thé : on entend des tirs d'arme automatique au loin. De nouveau ils repartent chacun de son côté.

Guidé lui aussi par les salves de Travers visant Daniel, Largo parvient à prendre ce dernier à revers. Il lui pointe son arme contre la nuque alors que Daniel s'assure qu'il a réussi au moins provisoirement à semer le Révérend.

L : Vous êtes viré, Éric. J'arrive pas à comprendre ce qui vous a pris.

Largo le retourne et le plaque sans ménagement face contre une caisse avant de le palper minutieusement pour s'assurer qu'il n'a pas d'arme.

Da : Tout ça c'est Travers, en fait. C'est lui qui m'a obligé à faire ça.

Mais Travers surgit au bout de l'allée, le M16 braqué sur les deux hommes.

Rév : Vous êtes un menteur, Éric. Lâchez votre arme, Monsieur Winch. S'il vous plait.

Après un coup d'œil au regard glacé et déterminé de Travers, puis à la gueule peu sympathique du M16, Largo juge plus sage de rabattre le chien de son revolver et de lâcher la crosse. L'arme tourne autour de l'index resté contre la détente et l'arme pend, inutile, tandis que les deux hommes se mesurent du regard, Largo défiant malgré tout Travers… qui s'écroule, terrassé par la caisse que Simon lui envoie sur le crâne du haut des containers sur lesquels lui aussi a élu domicile.

Si : Amen, mon père !

Daniel tente de profiter du coup de théâtre pour se dégager de la poigne de Largo et s'enfuir, Mais celui-ci le tient fermement par le col et le replaque sans douceur contre le container. Il réarme bien vite son revolver pour s'assurer de son prisonnier tout en adressant une grimace sarcastique à Simon, qui se frotte les mains avec le sentiment du devoir accompli, toujours perché sur ses caisses.

Joy arrive à point pour ramasser l'arme de Travers alors que Largo pousse Daniel vers le Révérend toujours K.-O. et le trio échange un regard de triomphe modeste.. La routine une fois encore….

Devant l'entrepôt.

Comme d'habitude la police arrive quand le travail est fait. Pendant que les agents embarquent les malfrats, Largo raconte tout au commissaire qui ne le lâche pas des yeux, un petit sourire admiratif sur les lèvres.

L : Travers et Daniel faisaient du trafic d'armes avec l'Afrique en utilisant les services du Groupe W. c'est là-dessus que Guimond enquêtait. C'est pour ça qu'ils l'ont abattu.
Co : Mais heureusement pour vous qu'Éric Daniel est passé aux aveux.
L : Oui. Oui, heureusement pour moi. Comment va votre inspecteur ?
Co : Il commence à se remettre. Ah, une chose. Pourquoi êtes-vous resté caché aussi longtemps, Monsieur Winch ?

Largo sourit.

L : Je sais que vous faites peu de cas d'un individu qui tue un flic. Et je savais que j'aurais plus de chances de coincer le meurtrier si je restais dans l'ombre. Par ailleurs, je me suis fait une bonne amie.

L'admiration du commissaire va croissant et quand Largo lui parle de sa protectrice, il rit franchement.

Les deux hommes se saluent en toute camaraderie, Largo mettant la main sur l'épaule du commissaire au passage, puis le jeune homme récupère Simon et Joy qui parlent eux aussi tranquillement à l'inspecteur.

L : On y va ?


Central Park. Tour Winch. Coin bureau du penthouse.

Largo allongé sur son fauteuil, les pieds croisés sur son bureau, joue de manière ambiguë avec un coupe-papier qui ressemble beaucoup à un poignard. Sullivan est assis avec une négligence étudiée sur le coin du bureau, à côté de Largo et tourné de 3/4 face à lui (à la place attitrée de Joy). Dans le fauteuil du visiteur soumis à la torture, de l'autre côté du bureau, Cardignac, mal à l'aise, croise nerveusement sa veste à défaut de parvenir à croiser le regard de Largo quand celui-ci daigne le regarder…

Su : Le fait est que quand la police s'est mise à fouiller les dossiers que Luc Guimond avait laissés, elle a découvert les notes dont il s'était servi pour l'article du magazine, celui sur Largo. Et apparemment il avait une source au sein du Groupe W.

Largo fait un petit signe de tête à Cardignac pour capturer son regard fuyant.

L : Cette source, c'était vous Michel.

Cardignac trouve enfin le courage d'essayer de préserver le peu qui reste de sa superbe tandis que Largo l'observe d'un air divinement naïf, crédule et innocent… et que Sullivan déguste chaque nouveau coup infligé à la victime, n'hésitant pas un instant à y ajouter sa part.

Ca : J'ai trouvé que ce reportage était une bonne idée. Et me considérant comme l'un des admirateurs les plus fervents de Largo, j'avoue avoir été ravi de pouvoir y participer.

Largo sourit devant tant d'hypocrisie vaine et John enfonce délicatement leur souffre-douleur un peu plus profond dans sa fange.

Su : C'est évident. Et pour ce qui est du passage précisant qu'il passait plus de temps dans les bars que dans les conseils d'administration…
Ca : C'était seulement pour le décrire comme un… comme un homme du peuple.
Su : Ahhh.

Cette fois c'est Sullivan qui rit en échangeant un regard complice avec Largo qui savoure la scène sans rien laisser perdre.

Ca : Le sel de la terre, vous comprenez, le genre d'image assez flatteuse, je pense.
L : Oh de la part de l'un de mes plus fervents admirateurs, je n'en attendais pas moins !

Largo joue toujours ostensiblement avec son coupe-papier, laissant à John le bonheur de piquer encore…

Su : Effectivement. Ah oui, une de mes préférées, c'est celle-là. : « Un play boy idéaliste et amoureux, dont la connaissance des chiffres ne va pas plus loin que le tour de poitrine des blondes. »

Cette fois, Cardignac a touché le fond, il sent qu'il n'a plus rien à perdre et se lâche. Il retrouve toute sa verve malsaine.

Ca : Il est évident que vous trouvez les blondes plus émouvantes que les chiffres.

De l'index gauche et de la pointe du coupe-papier de la main droite, Largo, rêveur, dessine une silhouette féminine dans l'air…

L : Je préfère les brunes… en réalité.
Ca : Et voilà, une fois encore, on remarque que des propos ont été déformés.

Largo sourit avant de changer brutalement d'expression, soudainement glacial devant l'aplomb de Cardignac.

L : Pouvez-vous me donner une seule raison qui pourrait m'empêcher de vous virer ?

Cardignac s'accroche à sa superbe retrouvée, imbu de lui-même.

Ca : Oui. Le fait que vous soyez un homme d'affaires perspicace qui se rend compte que vous avez avec moi une valeur des plus efficientes.

Et Largo le cueille froidement.

L : Mais l'homme d'affaires perspicace sait qu'il arrive toujours un moment où il doit laisser tomber cette valeur efficiente… Par chance pour vous, Michel, votre heure n'a pas encore sonné.

Cardignac a une tête d'enfant qui s'est oublié et découvre que les culottes Petit Bateau c'est moins confortable que les couches superabsorbantes quand il s'agit de dissimuler sa grosse commission à la consistance douteuse aux petits copains. Largo regarde Sullivan, qui regarde Cardignac, qui regarde enfin Largo, l'air soudain très pressé.

Ca : Hhhh, oui eh bien tant mieux dans ce cas… Messieurs, j'ai une autre réunion… Hm hm.

Il se lève de sa chaise, n'arrivant pas à dissimuler son mélange de soulagement et de peur rétrospective persistante, il se reboutonne nerveusement et prend congé avec une dignité largement écornée. Il a à peine tourné le dos pour filer vers la porte que Largo, qui guettait l'instant propice, l'achève magistralement.

L : Ah j'oubliais, le commissaire Morel tient à ce que je vous remercie personnellement pour l'aide que vous lui avez apportée.

Cardignac s'arrête net, mais il n'a pas le courage de se retourner ni de trouver une répartie qui sauverait ses arrières (la face étant perdue depuis bien longtemps). Alors, avec un petit mouvement de cou qui se sent soudain bien à l'étroit dans son col de chemise, il achève sa sortie peu glorieuse, tandis que Largo, le triomphe modeste, balance simplement son terrible coupe-papier sur son bureau.


Restés seuls Largo et Sullivan s'estiment un instant. Puis la curiosité de Sullivan l'emporte.

Su : Pourquoi ne pas le renvoyer ?
L : À cause d'un vieux dicton : « Tes amis, il faut les garder, tes ennemis, les avoir à l'œil. »

Devant l'assurance posée du citateur, Sullivan tente sa chance.

Su : Marcus Aurelius ?

Largo lui jette un regard de douce réprobation amusée.

L : Nério Winch !

Sullivan admire son jeune patron et les deux hommes, rieurs, goûtent un de ces rares moments de détente parfaite…

Pendant ce temps, dans le couloir agité qui mène à la salle du conseil, Cardignac soupire de soulagement : il est sorti vivant de la cage aux lions. Il récupère vite sa façade fanfaronne et sort son portable, prêt de nouveau à soigner son image. Il tente d'arrêter Alicia Del Ferril qui passe par là en l'ignorant superbement malgré ses tentatives pitoyables.
Ca : Oh Alicia, je voulais te demander…
ADF : Oh désolée, Michel, je n'ai pas le temps pour l'instant.
Ca : C'est pas grave, je te passerai un coup de fil cet après-midi.
ADF : Je vais malheureusement être occupée toute la journée.

Au dernier étage, Simon entre dans le penthouse sans frapper, comme à son habitude. Sous le bras, il a un magazine (Eurostyle) avec Céline en couverture.

Largo, toujours confortablement installé les pieds sur le bureau , est plongé dans une BD, mais à l'arrivée de Simon il ne peut cacher son excitation.

L : Ben où t'étais passé ? t'as raté le plus marrant. On a passé Cardignac à la moulinette tout à l'heure et je peux te dire, qu'il suait sang et eau !

Les deux amis rient de bon cœur alors que Simon vire les pieds de Largo du bureau pour s'y asseoir

Si : Ah !Tant mieux. Tu as vu ça ?

Largo soudain étonnamment réservé laisse pivoter son fauteuil pour tourner le dos à Simon et fait mine de s'absorber dans sa BD tout en répondant pudiquement à son ami.

L : Oui. C'est une femme vraiment incroyable.

Simon sent le trouble de Largo. Il feuillette la revue et amorce les confidences en douceur, sans essayer d'attraper le regard de Largo avant que son ami ne soit prêt…

Si : Oui. Qu'est-ce qui s'est passé entre vous deux ?
L : Oh pas grand chose.
Si : Pourquoi ?
L : J'ai pensé qu'elle avait besoin de temps pour… pour réorganiser sa vie. Elle a un tas de problèmes auxquels elle doit faire face.

Simon ferme sa revue d'un air entendu.

Si : Et tu ne veux pas en être un de plus.

Largo, toujours de dos, renverse la tête en arrière pour regarder Simon.

L : C'est exactement ça.

Simon juge que c'est le bon moment pour secouer un peu Largo.

Si : Je trouve qu'avec les femmes tu peux être parfois incroyablement bête.

Largo le regarde un moment sans trouver de réponse, puis son regard file à travers la véranda alors qu'il riposte.

L : Hm ! Et d'après ce que Joy m'a raconté, en matière de femmes, il paraît que tu fais autorité dans leur comportement.

Les deux hommes sourient, plus complices que jamais.

Si : Hm. Eh oui, je suis peut-être un petit peu plus subtil que toi.
L : Oui, c'est ça, un petit peu plus subtil…

Largo fait mine de se replonger dans sa BD tandis que Simon a attrapé le téléphone sur le bureau et le lui tend sans faiblir.

Si : Allez, téléphone-lui, ne sois pas stupide.
Largo pivote et le menace, regard amusé et front haussé : il se rend et attrape le téléphone.
L : Arrête de me dire que je suis stupide !
Si : D'accord. Ne sois pas idiot !

Sonnerie de téléphone dans la maison champignon. Céline décroche, visiblement bien dans sa peau.

Cé : Allo ?
L : Bonjour. Est-ce qu'une pizza Sarjevane, ça vous intéresserait ? Je vous la livre en moins de 6 heures ou elle est gratuite.

En reconnaissant la voix elle se met à rayonner de bonheur.

Cé : Oh, je suis très contente que tu aies téléphoné !

FIN

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